L'institutrice s'arrache les cheveux. Chaque année il
lui faut déployer des efforts d'imagination et de patience à l'approche de la
fête des mères pour que les bambins puissent offrir à leur maman
l'attendrissant cadeau qu'elle rangera à côté du collier de nouilles jamais
porté et de l'informe sculpture en pâte à sel du jeune Rodin en herbe.
Paul renifle au fond de la classe tandis que ses
camarades, avec force rubans, perles et pampilles, s'essayent à la création de
bijoux. Il n'a pas de maman mais il a deux papas… et le cœur lourd. Il les aime bien mais il a le sentiment qui lui manque quelque chose.
Claire est bien embêtée. Elle a justement un papa et
deux mamans. Une vraie galère pour la gamine qui s'emmêle dans ses rubans et
trouve qu'un seul bracelet était déjà un défi suffisant pour cette matinée de
bricolage. Claire a une mère biologique et une mère adoptive qui, stérile,
avait dû faire appel au ventre généreux d'une très humaniste prêteuse d'utérus. On la dit comblée mais elle trouve que deux mamans c'est trop...
Héloïse ne voit plus sa maman partie fricoter avec un
collègue de bureau. Elle offrira donc le fameux cadeau à sa grand-mère
paternelle qui, bienveillante, soutient le mari esseulé. Mais au fond de son coeur Heloïse se dit que, même si elle aime beaucoup sa mamie, ce serait mieux tout de même si maman revenait....
Pierre, lui, boude dans son coin et ne fera pas de
bracelet. Il sait que sa mère ne voulait pas de lui… Par Dieu sait quel
miracle, l’avortement n’a pas marché et sa mère a même porté plainte contre le
médecin pour sa naissance. Pierre, conscient malgré son jeune âge, qu’il ne
faisait pas l’objet du « projet parental » qui aurait fait de lui un être digne
de vivre, a décidé de ne pas faire de projet « enfantal », un concept créé pour
l’occasion, et estime que sa mère n’en est pas vraiment une et ne mérite pas
franchement sa piété filiale.
Louis se demande bien comment un tube de verre
pourrait porter un bracelet. Louis est un bébé éprouvette à qui ses parents se
sont fait un devoir et une fierté d’expliquer dès le plus jeune âge qu’il avait
été conçu grâce à la détermination de ses parents et les progrès de la science.
Il ne sait pas vraiment que penser de cette vie commencée dans un bocal…
Salima, jeune Indienne, ne fera jamais de bracelet
pour sa mère. Elle a été avortée lorsque son père, après l’échographie, a su
qu’il n’aurait pas l’héritier mâle tant espéré.
Jacques non plus d’ailleurs. Car Jacques avait un
chromosome en plus et, comme 96 % des enfants trisomiques comme lui, a été tué
après le dépistage prénatal, pour des raisons de santé publique et parce qu’il
aurait bien évidemment été très malheureux. Au fond d’une poubelle d’hôpital,
pour sûr, la vie n’est pas très gaie non plus.
Anne, enfin, est le cas de la classe.
Elle a seulement
un papa et une maman, deux frères et trois sœurs…
Réminiscence d'un passé démodé ? ou vraie vie ?
Bonne fête, Maman !
2 commentaires:
Bravo pour cet article qui résume d'une manière simple et imagée le mensonge et le Mal de notre époque.
Votre blog est d'ailleurs dans son ensemble d'une grande qualité.
Merci pour votre commentaire. Mais souvent "dérangée", j'ai oublié de préciser l'auteur de ce texte trouvé sur l'HOMME NOUVEAU. Il s'agit d'Adélaïde Pouchol qui exprime les changements intervenus dans les écoles concernant la fête des mères. Certaines maitresses ont d'ailleurs décidé de ne plus parler de fête des Mères mais de "fête des parents" laissant aux élèves le choix du destinataire du cadeau ! Mais les tourments des enfants sont hélas bien réels...
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