
Il convient sur cette question d’opérer une distinction fondamentale dans la doctrine de l’Église entre ce qui relève de la morale et ce qui relève de la politique.
Certes, le catholique a le devoir de secourir son prochain, celui qui est dans la détresse et ce devoir est impérieux et inconditionnel. Il relève de la charité fraternelle, de la morale et s’impose à chacun de nous, individuellement. Ainsi, quand une personne, étrangère ou non, catholique ou non, demande à être secourue, nous avons le devoir de l’aider et de l’accueillir.
Á l’échelle d’une nation, le raisonnement n’est pas le même car l’on ne se situe plus du point de vue de l’individu mais du point de vue d’une collectivité, d’une communauté dont il s’agit d’assurer le bien commun. Nous sommes ici dans l’ordre de la charité politique. On imagine aisément, en matière de défense du territoire, qu’une nation ne se laisserait pas agresser sans répliquer sous prétexte que le Christ a dit : "Quelqu’un te gifle-t-il sur la joue droite, tends-lui encore l’autre" (Mt 5,39)...
On entend pourtant de nombreux prêtres, et parfois des évêques, justifier l’accueil des "sans-papiers" dans les églises au nom des paroles du Christ ?
Cela a pu arriver mais ce n’est ni ce qu’enseigne l’Église, ni ce que déclarent les principaux évêques français. Ainsi peut-on citer le récent communiqué des évêques d’Ile-de-France, parmi lesquels se trouve le Cardinal Lustiger, communiqué rendu public après les occupations d’églises par des sans-papiers au début de l’année. Ils y précisaient notamment qu’en tant qu’évêques, ils entendaient continuer "à offrir [leur] service de médiation, sans [se] substituer à ceux qui ont le devoir politique de veiller au bien commun dans un Etat de droit ". Cela montre bien que ce n’est pas aux clercs de juger de la capacité qu’a la France d’accueillir ou non de nouveaux migrants mais aux autorités politiques qui veillent - en principe - au bien commun.
Mais qu’est-ce que le bien commun et pourquoi l’arrivée de nouveaux migrants le remettrait-il en cause ?

Actuellement, notre pays n’a plus la capacité d’accueillir de nouveaux migrants, non seulement pour des raisons économiques et sociales (chômage, délinquance, logement, etc.) mais aussi parce que les Français ne sont eux-mêmes plus conscients d’appartenir à une nation, avec une identité propre qu’ont forgée 1500 ans d’histoire.
Or, le bien commun exige que l’on protège d’abord les nationaux puis, une fois garanti leur épanouissement, les étrangers dans la mesure des capacités du pays.
Mais il y a quand même des situations humaines dramatiques ?
Loin de nous l’idée de nier les situations dramatiques que vivent certains migrants. Certaines sont d’ailleurs entretenues par le laxisme de nos responsables politiques.
Quand les migrants sont l’objet de menaces réelles dans leur pays d’origine, l’asile doit leur être accordé.
Il est certain qu’il n’est jamais facile d’émigrer. Comme le disait Jean-Paul II dans son encyclique Laborem Exercens en 1981 : "L’émigration est sous certains aspects un mal qui peut être en des circonstances particulières un mal nécessaire". En 1985, Jean-Paul II dira aussi "qu’on ne peut pas, a priori, considérer toute émigration comme un fait positif, à rechercher ou à promouvoir".
En dehors du droit d’asile, quelle est la position de l’Église sur le problème des " sans-papiers " ?
Le terme ambigu de "sans-papiers" décrit en fait un groupe peu homogène. On peut distinguer trois cas principaux de "sans-papiers" :
- ceux pour lesquels des liens familiaux sont en cause :
- les parents accompagnés d’enfants de moins de 18 ans : un mineur ne peut pas être expulsé et l’on ne peut pas séparer un enfant de ses parents
- les conjoints de Français, mariés depuis au moins un an mais entrés en France de façon irrégulière : aussi absurde que cela soit, ces personnes ne sont ni expulsables, ni régularisables.
- les enfants arrivés en France hors du regroupement familial et qui atteignent leur majorité (ou les conjoints arrivés également hors du regroupement familial). L’approche doit ici être nuancée. La régularisation de ces personnes pourra parfois être justifiée par le souci qu’a l’Église de protéger la famille, cellule de base de la société.

- Les personnes entrées clandestinement sur le territoire français.
Concernant ces deux dernières catégories de personnes, le non-respect des lois du pays d’accueil justifie leur reconduite à la frontière. Le Catéchisme de l’Église Catholique (§ 2241) précise : "Les autorités politiques peuvent en vue du bien commun dont elles ont la charge subordonner l’exercice du droit d’immigration à diverses conditions juridiques, notamment au respect des devoirs des migrants à l’égard du pays d’adoption".
Les expulsions ne portent-elles pas atteinte à la dignité humaine si chère à l’Église ?
Il est naturellement essentiel que les reconduites à la frontière (voire les expulsions) s’effectuent dans le respect de la dignité humaine due à tout homme : "la situation d’irrégularité légale n’autorise pas à négliger la dignité du migrant, qui possède des droits inaliénables, qui ne peuvent être ni violés, ni ignorés" (Jean-Paul II, message écrit pour la journée mondiale du migrant et du réfugié, juillet 1995).
Dès lors que cette dignité est respectée, la reconduite à la frontière n’est pas moralement critiquable.
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