La journée a passé, le temps s’est écoulé. Heure après heure, le soir est arrivé. Il ne reste plus beaucoup de temps avant le couchant. C’est donc le moment ultime pour penser tout ce qui doit être pensé, pour dire tout ce qui doit être dit…. Il faut boucler sa journée comme on boucle sa valise, prêt à partir pour le grand voyage. Encore un peu de temps et le jour s'en ira .... C'est l'heure bleue. Le mouvement du monde se calme, le soleil se cache. Je partirai avec le couchant.

lundi 30 janvier 2012

Des promoteurs à Versailles ?

Le patrimoine français est il en danger ? Il semblerait que oui. Il y a quelques temps, j’avais entendu un vague  « écho » sur la vente probable d’une partie du parc de Versailles, et je restais attentive à la suite réelle qui serait donnée à cette idée avant d’en parler. Aujourd’hui, ce projet progresse et devrait aboutir dans les années qui viennent… Or, ce découpage des biens nationaux devrait nous inquiéter d'autant que plusieurs sites nationaux sont visés....
  La beauté de Versailles tient beaucoup à sa situation entre ville et campagne. Qui n’a éprouvé, en visitant le Domaine, ce passage soudain d’un univers minéral, capitale administrative sous l’Ancien Régime tournée vers Paris, à un univers végétal, celui des chasses et autres plaisirs royaux ? Ces deux mondes s’opposent, à Versailles, de manière absolue.
Rappelons que Louis XIV fit détruire les quatre villages subsistant dans son parc (Chèvreloup, Trianon, Choisy-aux-Bœuf et Satory) situés, pour trois d’entre eux, aux emplacements où l’on souhaite aujourd’hui construire.Le maire, François de Mazières, tente de brouiller cette conception particulièrement claire en prétendant que Versailles est une « ville jardin », ce qui est historiquement faux, et en soutenant que nature et ville ne s’opposent pas. C’est le concept de « nature urbaine » qu’il développe notamment à la Cité de l’architecture et du patrimoine qu’il préside. Ainsi, construire des bâtiments « HQE » (à Haute Qualité Environnementale) autoriserait toutes les atteintes portées à l’environnement. On confond ici le respect presque théorique de la nature (rejeter moins de CO2) et celui d’une nature concrète. Or, il est évident que construire des immeubles à 4 niveaux dans le parc de Versailles, générant trafic automobile, parkings, lumières nocturnes et nuisances sonores dégradera son environnement « réel ».
La situation du parc sera bientôt, si l’Etat ne s’y oppose pas, comparable à celle qui était la sienne après les aliénations Révolutionnaires.

Précédemment, on évoquait les menaces de révision du PLU de Versailles et les risques que le « Grand Paris » font peser sur le parc du château, resté propriété de l’État depuis Louis XIV. Les derniers développements dans cette affaire sont particulièrement inquiétants et témoignent de ce qui ressemble à une véritable fuite en avant.
  C’est ainsi que l’on a constaté avec stupeur la présence de « Versailles Grand Parc », communauté d’agglomération présidée par le maire de Versailles, au Salon de l’immobilier d’entreprise de décembre.
Comme l’explique le site Internet de « Versailles Grand Parc » : « Ce salon permet de promouvoir le foncier disponible [sic] […] et de rencontrer […] investisseurs, promoteurs, entreprises, agents immobiliers. » !
Les terrains concernés se situent à la fois dans l’enceinte du Grand Canal, objet de notre première étude (terrains de Pion et de Satory), mais aussi dans l’ancien parc de chasse du château (terrain de Santos-Dumont par exemple).
  Ceux dont l’urbanisation devrait être impérativement rejetée, puisqu’ils obstruent la grande perspective versaillaise sont malheureusement offerts aux promoteurs à Pion et à Santos-Dumont. Profitant d’une lacune incompréhensible dans la protection du domaine, « Versailles Grand Parc » compromet ainsi aujourd’hui les vestiges du mur original du parc édifié en 1685 et la renaissance des avenues de l’Etoile Royale, véritable « main du roi » qui parcourait jadis le parc de chasse du château.
Il y a d’ailleurs fort à parier que l’urbanisation des terrains de Pion et de Santos-Dumont entraînera celle de l’aérodrome contigu malgré son classement avec la plaine de Versailles. L’obstination à vouloir construire à Santos-Dumont est d’autant moins compréhensible que les prévisions du Plan Local d’Urbanisme de Saint-Cyr les concernant ont été décrêtées par le Tribunal Administratif le 16 décembre 2010 comme incompatibles avec les servitudes aéronautiques imposées par l’aérodrome mitoyen.

Plan de zonage des Mortemets et des Matelots. Aux Mortemets, on constate qu’une zone de boisements (quadrillages et ronds) encadre les terrains à urbaniser (NPa). Les zones NPa1 constitueront des aires pour gens du voyage. Aux Matelots, la zone Ukb accueillera environ 46.000 m2 de surface de planchers et sera en partie réservée à l’armée (malgré la dissolution du 5° RG). 
Il est inutile d’insister sur l’absurdité du projet de Versailles Grand Parc » qui ne trouve pas de meilleure utilisation aux espaces continuant l’Etoile Royale que d’y créer une zone commerciale. Ce projet est d’autant plus injustifié que la municipalité de Saint-Cyr n’est pas en manque d’espaces à urbaniser : elle prévoit ainsi de commercialiser les 25 hectares de la ZAC Charles Renard et devrait s’en satisfaire.
Que souhaiter en effet de mieux à Pion et à Santos-Dumont que de ne pas y construire et d’y replanter les allées de Saint-Cyr et de Fontenay, offrant ainsi à la population des ces deux communes un accès privilégié au château ?
Que dire aussi du champ de manœuvres aujourd’hui préservé de Satory que l’on projette de lotir intégralement ?
Est-ce cela le « développement durable » ?
Le site des Matelots-Mortemets ne figure pas (encore) sur le plan des zones à lotir  car son urbanisation nécessite l’accord de l’Etablissement Public de Versailles qui en sera bientôt affectataire. Attendons…
Plus stupéfiant encore, la communauté d’agglomération de « Versailles Grand Parc » diffuse un schéma rappelant aux « investisseurs » combien le Grand Parc du château est bien desservi par le réseau autoroutier et ferroviaire  sans y représenter toutefois les trois nouvelles gares que l’on se promet d’y créer.
L’environnement fragile du Domaine résistera-t-il à ce traitement ?
Nous ne le pensons pas.
On le constate, « Versailles Grand Parc » est très peu respectueux de son riche patrimoine, ce qui ne l’empêche pas de se prévaloir d’un nom doublement historique : celui désignant aujourd’hui l’enceinte du Grand Canal et celui que portait autrefois le parc de chasse du château… Se réclamer du patrimoine tout en le détruisant nous semble pour le moins paradoxal.
On ne pourra être exhaustif sur les mesures scandaleuses prises récemment. Il suffit de parcourir sur ce site (http://www.latribunedelart.com) les articles consacrés aux menaces patrimoniales pour constater l’étendue des dégâts.
Cette mesure vient s’ajouter à l’urbanisme de projet de Benoist Apparu ; aux attaques contre les Architectes des Bâtiments de France qui ont abouti à la suppression des ZPPAUP remplacées par les AVAP, beaucoup moins protectrices et de mise en œuvre extrêmement complexe ; la volonté de développer l’énergie éolienne sans aucune considération pour les monuments historiques, ce qui maintenant menace jusqu’au Mont-Saint-Michel ;
les innombrables agressions contre des monuments qui laissent le ministère de la Culture impuissant devant les enjeux politiques qui y sont attachés (château d’Ancenis, rue des Carmes à Orléans…).
Notre France qui se démantèle dans l'esprit semble devoir souffrir dans l'avenir d'un démantèlement de son prestigieux passé immobilier......
Articles parus dans « La tribune de l’art » - Davantage d'infos sur : http://www.latribunedelart.com

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