La journée a passé, le temps s’est écoulé. Heure après heure, le soir est arrivé. Il ne reste plus beaucoup de temps avant le couchant. C’est donc le moment ultime pour penser tout ce qui doit être pensé, pour dire tout ce qui doit être dit…. Il faut boucler sa journée comme on boucle sa valise, prêt à partir pour le grand voyage. Encore un peu de temps et le jour s'en ira .... C'est l'heure bleue. Le mouvement du monde se calme, le soleil se cache. Je partirai avec le couchant.

lundi 6 février 2012

L'échelle des civilisations

Claude Guéant aurait donc affirmé que “les civilisations ne se valent pas”.
Au-delà des polémiques passionnées qui reproduisent exactement le même schéma d’indignation intéressons-nous au propos lui-même et posons franchement la question de la hiérarchie civilisationelle.
Car qui dit hiérarchie dit des plus et des moins, mais qui conteste cette hiérarchie, promeut un relativisme axiologique. Alors qu’il ne s’agit pas de niveler, mais de proposer un modèle de vie qui soit le meilleur possible 
Nous créons des hôpitaux et des services de recherche qui en arrivent à greffer des mains...D’autres les coupent...
Nos femmes se battent pour accéder en toute égalité aux postes intéressants... D’autres les voilent ou les cachent chez eux...
Nous donnons le droit de vote à tous nos ressortissants afin qu'ils expriment leur choix... D'autres sont lapidés ou vitriolés par les frères, les oncles, les pères pour non respect de leurs traditions...

Cette vague d’auto-critique qui a abouti à la Révolution française et aux multiples secousses intellectuelles et morales qui s’en sont suivi, a constitué le pas en avant qui nous différencie radicalement de tout autre civilisation.
Et nous accorde le droit, notamment avec l’instauration de la charte des Droits de l’homme, de jauger du degré d’humanité des autres civilisations. Non pas pour les fondre dans un même moule, mais pour partager avec elles cet élan universel vers un “mieux-vivre“.
Je rappelle que Claude Lévi-Strauss, pourtant bien au fait sur la question des civilisations, ne se pâmait pas dans un nivellement géographique et historique des valeurs. Bien que dénonçant l’ethnocentrisme de toute civilisation à se croire centre du monde dans sa conférence de 1952 à l’UNESCO, il prononce vingt ans plus tard une autre conférence, Race et histoire, où il affirme qu’il n’est nullement coupable de placer une manière de vivre ou de penser au-dessus des autres. (…) Cela peut même représenter le prix à payer pour que les systèmes de valeurs de chaque famille spirituelle ou communauté se conservent… (Claude Lévi-Strauss)
Peut-on suspecter Claude Lévi-Strauss de “supériorisme” ? Non. Car il est question pour lui de montrer que la civilisation européenne doit se comprendre comme une civilisation parmi d’autres, qui peut être défendue comme les autres se défendent.
Sans la volonté de faire de son propre mode de vie quelque chose qui peut être paradigmatique (***) pour l’ensemble de l’humanité, il ne sert plus à rien de promouvoir le dynamisme culturel, le désir d’être meilleur et de rendre les autres meilleurs.
Et en refusant cette volonté de “mieux vivre“, nous ne sommes plus en capacité d’accueillir les populations autochtones, pourtant attirées par notre civilisation, ni de leur proposer un véritable projet de société.
D’aucuns regrettent que cette civilisation n’ai pas été défendue dans les faits, surtout chez les commentateurs politiques soucieux de la question chrétienne. Lorsqu’on regarde ce qui a été fait sur le travail du dimanche, l’éthique personnelle et collective, le sens du bien commun, voir l’inscription des racines chrétiennes dans la Constitution européenne, il est évident que le quinquennat qui s’est écoulé ne semble pas avoir défendu concrètement ce qu’il défend dans le discours.
À moins que les actes ne rejoignent un jour le discours. Nous n’en serions que plus ravis.
Vivien Hoch, pour Itinerarium
(***) Paradigme : représentation du monde cohérente s'appuyant sur un système défini.

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