Les Scouts catholiques belges ont adopté le 2 mars une nouvelle formule de la Promesse qui supprime toute référence à Dieu et préfère évoquer l'« épanouissement spirituel ».
Si ce choix a été condamné par certains évêques belges, il a été justifié par un jésuite, le P. Charles Delhez, et le président fédéral des Scouts, dans un article paru le même jour dans la Libre Belgique, en ces termes :
« Le mot "catholique" dans le nom de la fédération laissait planer un doute sur notre intention, pourtant sincère, de veiller au développement spirituel de chacun. Ceci entraînait, chez les animateurs, un rejet de cette animation. De même, le mot "Dieu" dans la Promesse ou dans la Loi scoutes souffrait probablement d’être perçu, en Belgique du moins, comme une "marque déposée" de l’Église catholique. (…) La suppression possible du mot "Dieu" n’est donc pas une remise en question de la dimension spirituelle et religieuse, mais une manière de la servir avec plus de respect pour le cheminement de chacun. Tout croyant (ou non) pourra désormais s’affirmer de manière décomplexée. (…) En se déconfessionnalisant, le mouvement espère raviver cette dimension et permettre à ceux qui veulent y apporter, de l’intérieur, une note chrétienne de le faire sans aucun complexe et sans ambiguïté institutionnelle. Une proposition respectueuse devient davantage possible. »
(Chrétiens dans la Cité)
Depuis cent ans qu’il existe en Belgique, le scoutisme ne s’est sans doute jamais aussi bien porté : cinq fédérations de scouts et guides, trois francophones et deux néerlandophones, regroupées sous la plate-forme Guidisme et scoutisme en Belgique recensent au total 160 000 membres, soit près de 10 % de la population belge des 5-20 ans.
Historiquement, ce n’est pas le clivage communautaire, mais l’opposition laïques-catholiques qui a constitué les deux pôles du scoutisme belge. Et même au sein des fédérations dites catholiques, les débats au cours du siècle passé ont parfois été très vifs, concernant les objectifs du mouvement : s’agissait-il former des jeunes ou de former des chrétiens ?
Aujourd’hui, alors que l’adhésion à la religion catholique n’est plus du tout une évidence sociologique, la question de l’animation spirituelle des jeunes tracasse une fois de plus le scoutisme catholique belge : que « proposer sans imposer » à des jeunes appelés à évoluer dans une société multiculturelle ?
Comment prôner l’ouverture, le respect, sans empêcher la foi de se vivre ?
Du côté francophone, une des deux fédérations traditionnellement catholiques – les Scouts catholiques francophones Baden-Powell – a récemment changé d’appellation pour « mettre en cohérence les pratiques diverses de ses unités » et mettre en avant « sa volonté d’ouverture et de respects des convictions » : au terme d’un processus de réflexion lancé en 2004, la fédération a été, en 2008, rebaptisée Les Scouts, reléguant en sous-titre la mention de « fédération catholique ».
« Historiquement nous sommes un mouvement catholique et nous en sommes fiers, insiste Jérôme Walmag, président fédéral du mouvement. Nous avons néanmoins senti que notre intitulé devenait un frein à notre ouverture ; c’est regrettable, mais c’est un fait. Lors d’un congrès en 2006, nous avons donc revu l’ensemble de nos valeurs et inscrit dans notre charte notre volonté de proposer à nos jeunes un développement spirituel actif mais ouvert à la différence. »
À la suite d’un deuxième congrès d’animateurs en février dernier, les cadres du mouvement ont rédigé plusieurs propositions, soumises actuellement à consultation, en vue d’adopter en mars 2012 un nouveau texte de référence pour la promesse, et une reformulation de la loi scoute.
Or, toutes ces nouvelles propositions omettent la référence à Dieu.
« S’agit-il d’une simple reformulation ou de modifications des valeurs de référence ? » s’interrogent les médias catholiques belges.
« Il faut remettre les choses dans leur contexte, qui a beaucoup changé, reprend Jérôme Walmag, qui se défend d’une démarche anticléricale. Jusqu’au début des années 1980, la plupart des sections scoutes avaient un aumônier qui participait à toutes les activités de la troupe ; aujourd’hui, il n’y en a même plus un par unité. Nous voulons remettre l’animation spirituelle en selle, outiller nos jeunes animateurs dans leur rôle d’accompagnateurs spirituels, avec des textes qui leur parlent, tout en leur donnant, lors de leur formation, l’occasion d’approfondir leur propre démarche de foi. »
En Flandre, le mouvement catholique scout a déjà validé une évolution tout à fait similaire : en 2006 le Vlaams Verbond van Katholieke Scouts en Meisjesgidsen (VVKSM) est devenu Scouts en Gidsen Vlaanderen (Scouts et Guides de Flandres). Il a également modifié le texte du chant de la promesse, abandonnant les références catholiques.
Du côté de l’Église belge, on s’étonne de tous ces changements. « Les évêques prennent acte, soucieux surtout de ne pas exclure qui que soit, même s’il nous semble qu’on peut être très accueillant tout en étant estampillé chrétien et catholique », reconnaît le P. Étienne Quintiens, secrétaire de la Conférence épiscopale de Belgique.
Cumulant ces fonctions avec celles d’aumônier d’une troupe de scouts à Hasselt depuis trente-cinq ans, il analyse avec nuance la portée concrète de ces changements. Selon lui, de nombreuses unités en Flandres « font fi des nouveaux textes » et s’en tiennent encore à l’ancien chant de promesse.
Sur le fond, il regrette que l’accompagnement spirituel ait été « compartimenté et réduit à une sorte de “service pour chercheurs de sens”. Il manque des religieux pour qu’il en soit autrement, assure-t-il.
Pourtant la situation me paraît plus confortable qu’il y a trente ans : les jeunes sont réceptifs, respectueux, ouverts, ils ont soif d’échanges et de convictions fortes. L’Église doit donc veiller à ne pas laisser tomber les mouvements de jeunesse. »
Article de Raphaëlle d’Yvoire (La Croix)
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