Regard croisé sur une famille turque et une famille catho.
Cette dernière livre le choix de ses prénoms juste avant la naissance de ses jumeaux : « Tancrède et Madeleine ». Cela fleure bon la chevalerie et la Comtesse de Ségur. La sage-femme prend note et ne dit rien, mais n’en pense pas moins.
Sitôt sortie dans le couloir, on la voit s’esbaudir et faire la grimace: « Tancrède, ça sort d’où ce prénom ? », et sa copine de pouffer de rire derrière sa main : « Et Madeleine, alors !!! ». Sur le palier, même les aides-soignantes y vont de leur couplet: « Il paraît que les frères et soeur s’appellent Enguerrand, Marguerite et Théophile ! ». Le journaliste prend même le temps d’interroger le grand frère sur les inconvénients de porter un « prénom moche », et notamment celui d’avoir, à l’âge adulte, des difficultés à trouver du travail.
Dans la salle d’à côté, un autre accouchement est imminent. Un maçon turc jovial et terriblement prolixe (il est vrai qu’il parle pour deux car son épouse, explique-t-il, arrivée en 1998, ne connaît toujours pas la langue française) épelle obligeamment : « Notre fille s’appellera Murvvet, comme sa grand-mère. Avec deux v. »
Cette fois, la caméra ne filme aucun commentaire. La sage femme griffonne docilement son dossier sans faire l’ombre d’une remarque et, dans le couloir, personne ne s’étonne. Tout est normal. Comme s’il était entendu dans la France de 2012 que le prénom de Madeleine était un handicap plus lourd à porter que celui de Murvvett."
Monde et Vie
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