Soyons clairs : la fin de vie n'est plus aujourd'hui en France un problème d'ordre législatif. C'est un problème culturel qui concerne aussi bien les soignants que les soignés. Nommons les choses par leur nom. Se prononcer en faveur de l'euthanasie consiste désormais à vouloir légaliser l'injection létale de barbituriques et de curares. Il s'agit en pratique d'exiger du personnel soignant qu'il donne activement la mort, c'est-à-dire qu'il arrête le cœur du malade pour traiter sa souffrance.
Si les Français demandent légitimement et majoritairement à mourir dans la dignité, peut-on pour autant imaginer qu'ils adhèrent en masse à cette démarche ?
Contrairement à l'idée largement répandue, l'euthanasie ne renforce pas le droit des malades mais augmente encore, paradoxalement, le pouvoir des médecins. C'est en réalité un geste d'une grande violence qui n'apaise pas la fin de vie des patients et de leurs proches mais qui, au contraire, multiplie les deuils pathologiques et génère une division des équipes soignantes.
Ce que l'on présente comme une idée progressiste, qui pouvait encore faire illusion dans les années 1970, lorsque les moyens de lutte contre la douleur étaient limités et les médecins souvent enfermés dans la toute-puissance, est un concept devenu archaïque.
Quant à la Belgique et aux Pays-Bas souvent érigés en modèles sur le sujet, il est faux de prétendre que leur système ne connait aucune dérive. La légalisation de l'euthanasie remet en cause dans ces pays les interdits, fondements de toute civilisation, qui s'effacent peu à peu au profit des habitudes prises. Ainsi la proportion des euthanasies non voulues y est-elle élevée. Les médecins hollandais avouent eux-mêmes que les traitements sont arrêtés parfois très rapidement dans leur pays pour des raisons purement économiques. Les euthanasies pratiquées sont d'ailleurs souvent suivies de prélèvements multi-organes en Belgique flamande.
De plus, la tombée d'un tabou génère toujours une nouvelle revendication. L'ordre des médecins hollandais défend ainsi à présent l'euthanasie des patients âgés "souffrant de la vie" ou victimes de démences. On le voit, l'euthanasie légalisée entraîne un changement complet de la culture du soin et du rôle social de la médecine. Voici ce qui arrive quand on a la naïveté d'autoriser par la loi un acte qui doit rester une transgression.
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